Le droit français connaît un statut spécifique pour les cadres dits “dirigeants”, dérogeant au droit commun du travail. Ce statut peut être prisé des salariés en raison de son côté prestigieux et de la rémunération alléchante qui l’accompagne. En général, il est aussi apprécié des employeurs, car il permet d’échapper à la réglementation du temps de travail.
Quatre critères qualifient le cadre dirigeant, dont l’article L3111-2 du Code du travail pose les trois premiers, permettant à un employeur d’employer un salarié sous ce statut :
- Un salarié-cadre qui bénéficie d’une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps en raison de ses responsabilités ;
- Un salarié habilité à prendre des décisions de manière autonome ;
- Un salarié qui perçoit une rémunération parmi les plus élevées de son entreprise.
En raison d’abus, la jurisprudence est venue rajouter un quatrième critère :
- ce salarié doit, en outre, participer de manière active et effective à la direction de l’entreprise.
En somme, pour être cadre dirigeant, il faut diriger. Attention, il s’agit bien de la direction de l’entreprise, et non de la seule direction d’un service.
Lire aussi : Devis et facture, quelles mentions sont obligatoires ?
Ces critères sont cumulatifs1 et ce statut concerne donc une infime minorité de salariés (président directeur général, directeur général, parfois directeur administratif et financier…). En effet, il ne suffit pas de stipuler ce statut dans le contrat de travail ou la fiche de poste pour qu’il soit réellement applicable.
Régime juridique du cadre dirigeant
Contrairement à un autre salarié, le cadre dirigeant ne bénéficie pas de la réglementation protectrice concernant la durée du travail. Dans son cas, il est considéré que son travail n’est pas soumis à horaires fixes, en raison de la nature même de ses fonctions. Ce statut peut d’ailleurs être acquis de façon temporaire. Par exemple, dans le cas du remplacement d’un dirigeant souffrant (en arrêt maladie)2. Cela signifie que le cadre dirigeant ne bénéficiera ni du temps de repos légal quotidien ou hebdomadaire ni du paiement d’heures supplémentaires, ni des jours fériés ni des règles concernant le travail de nuit.
Néanmoins, l’indemnisation de ses astreintes lui est toujours applicable, si la convention collective ou l’accord n’a pas été renégocié depuis l’an 2000 (ce qui est souvent le cas malgré l’ancienneté de cette date)3. En conséquence, le cadre dirigeant ne peut pas être soumis à un forfait en jours, ce qui le rendrait bénéficiaire de manière automatique de la réglementation sur le temps de travail. Et, in fine, potentiellement du paiement d’heures supplémentaires. Ceci, en raison de sa grande autonomie4.
D’ailleurs, certaines conventions collectives imposent que le contrat de travail précise les responsabilités qui justifient le recours à ce salaire sans références horaires, sous peine de nullité du statut5. De facto, le cadre dirigeant assume, au moins par délégation implicite, la responsabilité pénale du chef d’entreprise.
Enfin, son contrat de travail doit respecter les principes généraux du droit du travail, en particulier en matière de non-discrimination et de respect des droits fondamentaux.
Rupture du contrat ou contentieux
La rupture d’un tel contrat de cadre dirigeant donne rarement lieu à un litige judiciaire, car elle a le plus souvent lieu par transaction entre avocats. Toutefois – et c’est le point contentieux majeur de ce statut -, le salarié licencié conteste, à tort ou à raison, la validité du régime qui lui a été appliqué. Et demande, en conséquence, le paiement d’heures supplémentaires (calculées sur le temps de travail supérieur à 35 heures hebdomadaires) et de diverses indemnités…
Enfin, le statut de cadre dirigeant étant souvent accompagné de divers mandats sociaux, il convient de se reporter, d’un côté comme de l’autre, aux stipulations des statuts sociaux, en plus des règles de convocation ou concernant les révocations vexatoires.
Pierre Lacoin
Avocat à la Cour
1792 Avocats
Suivez-nous sur tous nos réseaux sociaux !
1Cass. soc. 04/02/2016, n°14-23663.
2Cass. Soc. 19/05/2009, n°08-40609.
3Cass. soc. 12/11/2008, n°07-41694.
4Cass. soc. 07/09/2017, n°15-24725.
5Cass. soc. 06/04/2011, n°07-42935.