Commençons par rappeler ce qu’est la Rep PMCB et ce qu’elle implique…
Thibault Lerouge : La Rep PMCB (Responsabilité élargie des producteurs de produits et matériaux de construction du bâtiment) est entrée en vigueur en 2023, avec pour objectif de faciliter le recyclage des déchets de la construction du bâtiment. Son principe est que les metteurs sur le marché de matériaux de construction soutiennent le recyclage à travers une éco-contribution, auprès d’un éco-organisme* comme nous, Valobat. Nous facilitons l’organisation de la filière de recyclage, c’est-à-dire la collecte gratuite des déchets triés, leur massification, leur recyclage et leur réintroduction sur le marché. Nous effectuons aussi un travail de formation au tri, de communication et de soutien à l’innovation.
Charlotte Regazzoni : Cette éco-contribution permet de soutenir la filière aval et de déployer le maillage territorial des points de reprise et des solutions de recyclage/valorisation des flux PMCB.
Les chapes fluides ciment sont intégrées à l’obligation de recyclage. Est-ce que la filière est en place ?
T. L. : Oui, les chapes fluides ciment bénéficient de la filière de revalorisation du béton, qui est bien en place pour celles issues de la démolition ou de la rénovation. Lorsque les sols sont bien démantelés, ces chapes inertes sont introduites dans des collecteurs adaptés et sont valorisées, généralement en granulats recyclés ou en remblais.
C. R. : Lors de la déconstruction, la chape n’est pas distinguée du reste des éléments de la famille des bétons. Et elle y représente un volume minime. Les matériaux inertes, dont les chapes fluides ciment font partie, sont plutôt bien recyclés. Lors de l’application, encore beaucoup de retours toupie persistent. En effet, face aux imprévus et à la complexité d’application, les chapistes ont tendance à commander des volumes plus importants que nécessaires pour parer à tout problème sur le chantier. Pour traiter ces retours, il faut passer par du stockage/séchage. Cela nécessite que les sites de production aient un espace suffisant pour mettre en place des bennes pour réceptionner ces retours. Dans le cas contraire, ils devront cheminer par un autre site en mesure de les réceptionner.
T. L. : La valorisation des déchets inertes est bien en place. C’est une filière mature et la récupération se fait de mieux en mieux et la valorisation progresse. En revanche, pour ce qui est des chapes fluides, il faut faire le distinguo entre les chapes fluides ciment et celles anhydrite.
Elles ne sont pas traitées de la même manière ?
C. R. : Non. Les chapes fluides anhydrite ne sont pas des déchets inertes. Les producteurs de chapes doivent donc bien distinguer la nature de la chape, pour pouvoir par la suite la valoriser dans une filière appropriée.
T. L. : Pour les retours toupie, il faudrait que les producteurs de chapes disposent de deux bacs de décantation différents. Un bac pour chaque type de chapes. Les retours de chapes correspondent à des quantités importantes et il est crucial de ne pas continuer à mélanger l’anhydrite dans le flux de ciment. L’introduction de produits non inertes dans la collecte des inertes nuit grandement à leur valorisation. Pour respecter la réglementation, le flux inerte doit présenter moins de 0,1 % de source non inerte.
Est-ce que vous travaillez à l’élaboration d’une filière adaptée pour les chapes anhydrite ?
T. L. : Pour le moment, les déchets minéraux non-inertes ne sont pas encore pris en charge gratuitement par les éco-organismes. Mais ceci est en train de changer. Nous développons de nouvelles voies de valorisation. Nous travaillons à l’heure actuelle sur d’autres matériaux, comme le béton cellulaire par exemple. L’idée est de mettre en place des collectes spécifiques. Pour cela, il faut pouvoir dissocier et massifier les collectes de ces matériaux. Ensuite, il faut trouver ou développer un exutoire vers une voie de valorisation. Nous travaillons à trouver une revalorisation pour les chapes anhydrite sèches.
Le rôle des éco-organismes est aussi de trouver des solutions de revalorisation ?
T. L. : Dans le budget élaboré à partir de l’éco-contribution, un pourcentage fixe est consacré à soutenir la recherche et l’innovation. Cela nous permet de soutenir et d’accompagner des voies de valorisation en développement et en besoin d’amélioration, comme les déchets de verre, de plastique ou d’inertes. Et surtout, nous soutenons le développement des solutions pour les matériaux encore non gérés. Ainsi, nous avons lancé différents appels à projets, dont ceux sélectionnés devraient être très prochainement lancés, pour les briques plâtrières ou les métaux amiantés par exemple. Nous subventionnons aussi des projets d’innovation et explorons les meilleures possibilités de valorisation. Notre rôle est de faire sauter les verrous actuels, techniques ou organisationnels.
Les applicateurs de chapes traitent aussi l’isolation des sols. Des filières sont-elles actives pour ces matériaux-là ?
T. L. : Malheureusement, le polyuréthane fait partie des plastiques actuellement encore refusés dans les collectes. Il y a quelques projets émergents, mais encore peu de recyclage des mousses ou des plaques en fin de vie. Si un travail plus important est effectué avec les rebuts de production, de composition bien contrôlée, le problème vient en général de la constitution très variée des mousses en fin de vie, parfois de plus de 20 ans. Mais la filière est en développement. Un travail d’analyse des gisements et des compositions est fait. Ce qui devrait permettre d’arriver à une valorisation intéressante tout prochainement, nous permettant de développer dans un futur proche de nouvelles filières de collecte avec l’Ocab (organisme coordinateur agrée pour la filière bâtiment).
C. R. : La Rep PMCB est encore jeune. Le phasage des flux a été organisé autour du plastique rigide, du bois, des déchets inertes… Le déploiement opérationnel s’est priorisé autour de ce qui pouvait déjà être bien traité. Nous travaillons désormais à élargir des types de matériaux acceptés.
T. L. : Valobat soutient aussi le développement des solutions adaptées pour le triage. Des tests se font actuellement pour le polyuréthane en panneaux sandwichs par exemple. Ceci, afin notamment de motiver d’autres acteurs. Nous mettons donc en place une collecte spécifique autour de certains sites tests avec des premiers acteurs volontaires. Nous travaillons avec les artisans pour qu’ils isolent les déchets sur leurs chantiers. Et en même temps, nous collaborons avec des fabricants pour trouver des solutions adaptées.
Finalement, en comparaison d’autres corps de métier, est-ce que les chapistes sont des mauvais élèves de la Rep PMCB ?
T.L. : Non, je ne les qualifierai pas de mauvais élèves. La Rep est récente dans le bâtiment et les choses se mettent en place. Beaucoup de produits ont été développés sans éco-conception liée au recyclage, mais les chapes fluides restent des produits simples et uniformes, donc plutôt faciles à recycler. La chape ciment bénéficie du savoir-faire de la filière béton, dont les capacités de recyclage continuent de progresser. Pour l’anhydrite, il faut encore développer un réseau de collectes et trouver une voie de valorisation. Mais c’est le cas de beaucoup de filières sur lesquelles nous concentrons nos efforts avec les acteurs.
*Ecominero, Ecomaison, Valdelia et Valobat.
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