Gaétan di Pietro est chapiste depuis 1977. A l’époque, pas de chape fluide, et une proximité évidente avec le monde du carrelage et sa pose scellée. C’est donc naturellement qu’il évolue vers ce métier, en dirigeant une entreprise qui va compter jusqu’à 50 employés. A la fin du XXe siècle, à la faveur de l’émergence des chapes fluides, Gaétan di Pietro décide de se réorienter vers ce nouveau métier. « La chape fluide est apparue dans le Paca autour de 1994 sous la marque La chape liquide. Et nous avons été parmi les premiers à l’utiliser. En 1998, je croyais tellement à ce nouveau produit que j’ai redémarré seul une activité dédiée. A l’époque, encore dépourvue d’Avis technique, la chape fluide suscitait la suspicion, personne n’en voulait. Quelque 23 ans plus tard, une enquête du groupe spécialisé n° 12 sur la chape fluide associée au carrelage collé a joué en faveur de la révision du DTU 52.1, qui bannit désormais la pose scellée. La chape fluide présente un risque normal. Le nouveau DTU va dans le sens de la qualité, un peu comme le passage à la banche dans le secteur du béton, à l’époque ».
« La chape fluide supprime une grande partie de la pénibilité »
La route a été longue et sinueuse. Passant par l’embauche d’un premier compagnon formé en interne comme les suivants. Sachant qu’en ces temps-là, il n’existait aucun organisme de formation qualifié pour ce type de techniques. Il a fallu créer le marché à force de persuasion. En accumulant patiemment les références et en accompagnant le développement de l’offre industrielle. Et le panel de solutions et accessoires. « La bibliothèque de Nice a été notre premier gros chantier. Puis, le stade de Nice qui compte parmi nos plus belles références. Désormais un chantier à Monaco illustre notre capacité de monter jusqu’à 15 étages à l’aide de pompes de relais », raconte Gaétan di Pietro. Qui fait valoir en premier lieu la rapidité d’exécution : « En une journée, aujourd’hui, on peut pomper jusqu’à 1 000 m2 de chape par équipe. Alors que la chape traditionnelle ne dépasse pas 150 m2 pour deux personnes. Le record d’Euro Chape Fluide est de 1 485 m2 en une seule journée à 5 personnes. Tandis que le métier de chapiste traditionnel compte parmi les plus pénibles du bâtiment avec celui de plâtrier. La chape fluide supprime une grande partie de la pénibilité ».
Important travail en amont du chantier
[©Euro Chape Fluide]En 2010, le chantier de l’hôtel Majestic à Cannes marque le début d’une nouvelle méthodologie de coulage. Avec l’emploi de matériaux pré-mélangés. Forte de cette expérience, l’entreprise Euro Chape Fluide est sollicitée pour la réalisation de chapes dans les hôtels de la Côte. « Les hautes contraintes de technicité à cause de la variété des supports, des charges et épaisseurs admissibles. Des exigences acoustiques et bien sûr des délais, requièrent des études personnalisées et des solutions adaptées à chaque configuration. Le but étant d’accompagner le client dans la finalisation de son projet. En ayant appréhendé toutes les contraintes et dans la maîtrise de son enveloppe budgétaire. Ce travail en amont est désormais connu et reconnu. C’est pourquoi, sur ce type de projets, entre autres, nous sommes consultés. » Actuellement, trois gros projets sont à l’étude : Le Carlton de Cannes avec ses 20 000 m² de surface à couler, le Plaza et, mais aussi, le Bella Vista.
Le passage au silo
Pendant une quinzaine d’années, depuis 1994, Gaétan di Pietro recourt aux chapes réalisées à la toupie et pompées. Après la chape auto-nivelante Can de Lafarge, la chape fluide ciment est arrivée. « La première formulation de la chape Agilia Sol C était incoulable », se souvient l’entrepreneur. Mais elle a évolué. Et progressivement, le champ de la chape fluide anhydrite s’est réduit chez Euro Chape Fluide aux interventions sur support en bois. Ou pour des chapes associées à des planchers chauffants, à moins de faire valoir l’atout d’un nombre réduit de joints. « Le point faible des solutions associées aux centrales à béton était la qualité du sable. Qui n’est pas satisfaisante dans notre région. Une chape, ça reste à 85 % du sable. C’est pour cela que nous avons basculé vers Fassa Bortolo en 2009. Après un long travail d’approche. » Le leader italien, dont la production de chapes est installée dans le Piémont, livre ses silos directement sur les chantiers. Avec une ponctualité irréprochable.
Le complément du polyuréthane projeté
[©Euro Chape Fluide]La projection de polyuréthane est un complément naturel de l’activité de chape fluide. Lorsque Syneris s’appelait encore Synersol, Euro Chape Fluide était le 3e applicateur certifié. Alors qu’aujourd’hui, le leader national en compte plus d’une trentaine. Gaétan di Pietro défend la qualité environnementale de ces solutions : « Seul 1% de la production mondiale de polyuréthane va dans le bâtiment. Quand on opte pour une projection en alternative de plaques, le rapport est de 1 camion semi-remorque pour 14. » Par contre, l’entrepreneur insiste sur le besoin de formation et de qualité. « Il faut une certification QB, quand on observe des chantiers qui confondent le PU à cellules ouvertes. Supportant seulement des charges de 80 kg/m2, confondu avec le PU à cellules fermées. Dont la charge admissible peut atteindre 15 t/m2, ».
Acoustique
Les donneurs d’ordre attachent de plus en plus d’importance à la performance acoustique. « Les pompes de la chape fluide sont des vis sans fin qui ne créent pas trop de remous. Et permettent de mieux respecter les dispositifs de désolidarisation acoustique », explique Gaétan di Pietro. L’entrepreneur évoque une opération actuelle pour un bâtiment à Monaco. En face du casino et estampillée “zéro bruit”, avec une attention particulière aux basses fréquences. La réservation du support invitait à recourir à un ravoirage en polyuréthane assurant aussi l’isolation thermique. Si ce n’est qu’il fallait en plus assurer la meilleure isolation acoustique possible. « Euro Chape Fluide a préconisé le recours à des bandes de liège. Avec l’ingénieur acousticien, nous avons trouvé la solution ».
Une société de service
[©Euro Chape Fluide]Tandis que Gaétan di Pietro approche de la soixantaine, la question de la pérennité de l’entreprise commence à se poser. « Mon fils a 14 ans, pour l’instant.Toutes les perspectives sont ouvertes, y compris celle de la transmission en scop ou de la cession à un acquéreur ». Euro Chape Fluide, c’est aussi toute l’expérience accumulée par les références. Qui nourrissent un catalogue de solutions de détail impressionnant et convaincant. « Chaque chantier a sa solution spécifique. Mais le carnet des solutions de détail est utile pour faire comprendre les enjeux et les réponses aux donneurs d’ordre. Tout en leur apportant ce sentiment de sécurité qu’il ne s’agit pas d’une solution improvisée ».
Le déficit de formation
La chape fluide est désormais reconnue, mais selon Gaétan di Pietro, le bâtiment reste confronté à un problème endémique de formation. Même s’il existe maintenant des centres de formation performants pour cette dernière. Il reste toujours du chemin à faire, car « personne n’attache importance à ce support parce qu’on ne le voit pas ». Raison de plus pour coller aux principes de l’entreprise. “Faire bien une fois”, “Dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit”. « Nous sommes une société de service », martèle l’entrepreneur. Quelles seraient les pistes de développement ? Le partenariat avec Fassa Bortolo donne toute satisfaction. Il n’en reste pas moins qu’en termes environnementaux, il revient à faire voyager le sable de part et d’autre des Alpes. « Si je disposais d’un terrain de 8 à 10 000 m2, je pourrais m’approvisionner en sable de Durance de bonne qualité, mais dans la région, les prix du foncier sont rédhibitoires. »
Toujours côté environnement, la nouvelle chape Thermio Plus d’Anhydritec présente pour Gaétan di Pietro l’intérêt d’une épaisseur de chape réduite. Et d’une meilleure conductivité. Quant aux planchers chauffants et rafraîchissants, cette option de températion est opérante. Dès lors que le bâtiment dispose d’un sas et qu’on n’ouvre pas les fenêtres. « Sinon, l’écart thermique est tel que l’on crée de la condensation ». Avec des enjeux environnementaux qui se superposent aux enjeux techniques, acoustiques et économiques, la chape ne cesse de gagner en technicité.
Jonas Tophoven