La canicule, ce mot et sa composante climatique ont fait irruption dans le quotidien des Français à l’été 2003. A l’époque, tout le monde est pris de court, au point qu’une ministre de la Santé va donner une conférence de presse, en polo, sur son lieu de vacances. Si la surprise était de mise au début du siècle, depuis, la canicule s’est installée au cœur de nos étés. Et le dernier rapport du Giec l’a confirmée, elle n’est pas près de s’en aller. La France vit déjà 1 °C au-dessus de la norme météorologique et devrait voir le mercure grimper de 4 °C au-dessus d’ici la fin de siècle. Les seuils sont différents selon les régions, mais on parle de canicule lorsqu’une vague de chaleur se poursuit plus de trois jours, sans rafraîchissement la nuit. Et même si la canicule, au sens strict du terme, n’est pas toujours à l’œuvre, les étés sont de plus en plus chauds. Obligeant les entreprises à s’adapter.
Répondre par l’organisation
Les effets de la chaleur sur le corps en activité sont divers et sont plus forts chez les personnes souffrant déjà de pathologies chroniques, comme l’asthme ou les troubles cardiaques. Les ouvriers peuvent souffrir de maux de tête, de confusion, de fatigue prononcée, de problèmes cutanés, de nausées, voire de vomissements, de crampes, de déshydratation, de gênes respiratoires ou d’accélération du rythme cardiaque. Tous ces symptômes pouvant se cumuler et intervenir à des degrés divers.
Bien entendu, les entreprises du BTP s’adaptent à ces épisodes de chaleur. Mais jusque-là, ces derniers étaient gérés comme des crises. Il est temps de les anticiper et de se munir des outils adéquats. Pour cela, il y a d’abord les actions que peut faire individuellement chaque employé. L’entreprise doit pousser, au risque d’être un peu paternaliste, à :
- S’hydrater sans attendre la soif. Dans l’idéal, l’équivalent d’un verre d’eau toutes les 20 minutes,
- Alléger les repas, avec moins de viande, de gras et plus de légumes et de fruits,
- Supprimer alcool et tabac qui déshydratent,
- Faire attention aux plages de sommeil.
Dans leur organisation du travail, les entreprises doivent aussi s’adapter, dans la mesure du possible, en :
- Adaptant les horaires de travail, même si cela est souvent compliqué en zone urbaine,
- Augmenter les roulements de personnel à chaque poste,
- Augmenter la fréquence des pauses,
- Eviter le travail isolé pour prévenir les conséquences de malaise,
- Prévoir les tâches les plus physiques lors des périodes fraîches,
- Mécaniser au maximum les tâches pour éviter le travail physique,
- Prévoir des zones fraîches pour les poses,
- Légalement, l’entreprise est tenue de fournir au moins 3 l d’eau par jour, par employé.
Investir dans de nouveaux types d’EPI
Ces actions représentent sans doute une perte de productivité, mais celle-ci sera plus grande sans aucune action entreprise. Et la santé des employés doit rester la priorité. L’entreprise peut en revanche aller plus loin, en investissant dans des EPI dédiés à la lutte contre les coups de chaud. Gourdes et sacs isothermes peuvent être une idée. Mais ce sont surtout les vêtements de travail qui doivent être pensés pour cette période particulière. Ils doivent être de couleur claire, dans un tissu léger et respirant. Certaines marques proposent même des bandeaux, bandanas ou calottes de casque à humidifier pour qu’ils rafraîchissent jusqu’à 8 h leur porteur. Et même si cela peut paraître contre-productif, il faut privilégier pantalon et manches longues pour se protéger des UV, dangers supplémentaires en période estivale. De même, des lunettes de protection peuvent être utiles dans les lieux où le rayonnement est important. Enfin, depuis l’été 2021, l’OPPBTP expérimente une montre connectée, la Heat Warning Watch Canaria, qui alerte lorsque la température corporelle d’une personne s’élève. Il est alors temps de s’hydrater et de se mettre à l’ombre. Bien entendu, l’ensemble de ces solutions ont un coût.
Un cadre réglementaire autour de la canicule qui doit évoluer
C’est pourquoi l’OPPBTP pousse et travaille à la prise en compte de ce nouveau risque, par la caisse Congés intempéries BTP. Ce qui permettrait de prendre en charge les arrêts dus aux fortes chaleurs, au même titre que d’autres évènements météorologiques, et non plus via une demande spécifique. Mais il reste encore du chemin, puisqu’aucun seuil n’existe pour stopper toute activité. En pleine rédaction du guide de recommandations sur le sujet, l’OPPBTP a identifié un indicateur utilisé aux Etats-Unis et en Belgique, originaire du Canada, le WBGT. Celui-ci prend non seulement en compte la température, mais aussi le taux d’humidité et le rayonnement solaire. Le pays y ajoute la norme ISO 7243 qui pondère avec des facteurs personnels comme l’effort physique réalisé ou les EPI portés. Ce qui permet de fixer un seuil adapté à chaque entreprise. Et ainsi, de prévoir les risques liés à la chaleur. Pour ne plus lutter contre une crise, mais s’adapter à une nouvelle donne climatique. C’est un pas de plus vers la résilience.