Aux Pays-Bas, Ecocem a lancé une chape fluide à base de laitier de hauts fourneaux. Pourquoi avoir commencé par ce pays ? Pourquoi se lancer sur le marché de la chape fluide ?
Laurent Frouin : Aux Pays-Bas, la réglementation au niveau de la pénibilité au travail a évolué, ce qui a exclu l’usage de la chape traditionnelle. Aussi, pour les applicateurs, la seule alternative à leur disposition était la chape fluide anhydrite, avec toutes ses qualités, mais aussi ses limites… Il y avait donc une demande forte pour d’autres solutions.
Ecocem possède une usine aux Pays-Bas, ce qui rend le laitier de hauts fourneaux facilement accessible. Développer de nouvelles applications entre aussi dans la stratégie de valorisation de notre matière première. Ce sont ces raisons, qui nous ont poussés à développer et à proposer une offre de chapes fluides.
Aux Pays-Bas, nous nous occupons du process de A à Z. Après la mise au point de notre chape dans notre laboratoire de recherche, nous l’avons proposée à des partenaires, qui en assurent la commercialisation. Nous formons aussi les applicateurs. Et pas un seul chantier ne se déroule sans qu’un technicien Ecocem n’accompagne la mise en œuvre.
Aux Pays-Bas, il n’y a pas de principe d’Avis technique, mais nous suivons les protocoles de la normalisation européenne.
Un déploiement à l’échelle européenne est-il programmé et à quelle échéance ?
L. F. : Absolument, en commençant par la Belgique l’Irlande et le Royaume-Uni où le marché est émergent comme aux Pays-Bas.
L’Allemagne reste une question ouverte…
De son côté, la France est un marché en forte croissante et mature au niveau de la maîtrise technique. Notre démarche y sera donc différente. Aussi, nous ne proposerons pas directement une chape fluide, mais uniquement un liant spécial pour chape. Nous nous laissons le temps jusqu’à la fin de cette année pour trouver des partenaires qui, eux, mettront sur le marché leur chape fluide. Ceci, après avoir fait une demande d’Avis technique. Au mieux, la première chape fluide à liants spéciaux Ecocem arrivera sur le marché vers la fin de l’année 2019.
Pouvez-vous nous présenter votre chape fluide actuelle ? A commencer par son nom ?
L. F. : Il s’agit d’une chape fluide dite “chape fluide à liants spéciaux”, qui intègre environ 70 % de laitier de hauts fourneaux et 30 % de liant hydraulique, qui n’est pas un ciment Portland…
Aux Pays-Bas, cette chape est dénommée Eco2Floor, mais en France, le liant sera proposé sous une autre appellation, non encore définie.
L’Eco2Floor est une chape à très faible retrait, de l’ordre de 200 µm/m, soit quelque chose de comparable à une chape fluide anhydrite. Une chape fluide ciment classique présente un retrait compris entre 500 et 700 µm/m. Dans notre cas, à la vue de cette caractéristique, il est possible de couler des superficies monolithiques, c’est-à-dire sans joints de fractionnement, pouvant aller jusqu’à 1 000 m2. C’est ce qui a été fait à plusieurs reprises aux Pays-Bas…
Son séchage est aussi très rapide. Elle affiche un taux d’humidité inférieur à 2 % sous 14 j, quelle que soit la température ambiante. Dans certains cas, cette humidité de moins de 2 % est atteinte dès 7 j. A vrai dire, la différence est surtout flagrante à basse température et en comparaison avec des chapes fluides anhydrite, face auxquelles nous positionnons notre solution.
Aucun ponçage n’est nécessaire, car il n’y a pas de formation de pellicule de surface. Aucun primaire ne doit non plus être appliqué avant la pose d’un carrelage par exemple. Toutefois, si la température ambiante dépasse les 30 °C, une cure de surface est conseillée.
L’Eco2Floor est compatible avec tous les systèmes de chauffage par le sol, électrique y compris. Nous l’avons formulée pour qu’elle offre un temps ouvert de 4 h 00 et qu’elle soit circulable sous 24 h. Enfin, elle est compatible avec tous les types de mortiers-colles du marché.
S’agit-il qu’une chape fluide unique ou est-ce le début d’une gamme complète ?
L. F. : A l’heure actuelle, cette chape fluide est de classe C20-F4, ce qui correspond à plus de 85 % de la demande. Nous savons aussi faire une chape fluide C16-F3, qui pourrait être mise sur le marché en fonction de la demande. Par ailleurs, le laboratoire travaille sur une version haute résistance C30-F8… De quoi pouvoir proposer une gamme à moyen terme.
Compte tenu de la présence du système d’Avis techniques, risque-t-il d’y avoir des ajustements dans les caractéristiques de votre chape en cas de lancement sur le marché français ?
L. F. : C’est tout à fait possible, même s’il est encore bien trop tôt pour détailler les aspects de cette chape fluide, qui pourraient être concernés par des ajustements…
Le laitier de hauts fourneaux est-il aussi compatible en mélange avec de l’anhydrite ? Cela présente-t-il un intérêt ?
L. F. : En Allemagne, le laitier de hauts fourneaux est utilisé comme ajout dans les chapes anhydrite pour en augmenter la résistance à l’usure. Le taux d’incorporation avoisine les 20% seulement. De fait, il ne s’agit pas, pour nous, d’une voie viable de valorisation, compte tenu des proportions consommées. Nous préférons nous concentrer sur les chapes fluides à liants spéciaux et sur les liants ad hoc.
Quels sont les volumes de chape fluide mis en œuvre jusqu’à présent aux Pays-Bas ?
L. F. : Depuis le lancement de l’Eco2Floor, nos partenaires ont réalisé une centaine de chantiers, ce qui correspond à plus de 10 000 m2. En volume, ce sont quelque 500 m3 de chapes fluides, qui ont été mis en œuvre à ce jour.
Propos recueillis par Frédéric Gluzicki