Pouvez-vous rappeler rapidement l’histoire de Chrono Chape ?
Anne-Lise Dupuy : La société a été créée en 2005 par Cédric, mon mari, et son père, sur Dijon. La volonté était de se développer à un rythme contrôlé, un peu plus chaque année. Une étape importante a été franchie avec une installation à Rouen, liée à une opportunité de marché. Dès lors nous nous sommes étendus géographiquement. Aujourd’hui, nous avons une dizaine de sites qui emploient 45 personnes et qui exploitent 63 centrales mobiles.
Pour ce rachat, qui est allé chercher l’autre ?
Vincent Leduc : C’est nous, Lafarge France qui sommes entrés en contact avec Chrono Chape. Nous avons bâti un ambitieux plan de développement sur le marché de la chape. Avec trois axes majeurs, la justesse technologique, la croissance et l’efficience du service. Ce sont des axes sur lesquels nous travaillons déjà, mais il nous semble que nous pouvons gagner en agilité sur notre service et nos développements. Les centrales mobiles sont compatibles avec notre modèle actuel et répondaient aux trois axes de ce plan. Il nous est donc rapidement devenu évident qu’il nous fallait investir dans ces solutions, en complément de notre réseau fixe.
En analysant les possibilités, nous avons vite compris que Chrono Chape offrait une bonne complémentarité, de par son implantation, son développement et son business modèle de producteur-distributeur qui correspond au nôtre. C’est d’ailleurs la seule société que nous avons contactée.
Anne-Lise, étiez- vous vendeur ou était-ce une opportunité que vous avez saisie ?
A-L. D. : Nous avions conscience que pour continuer notre développement, il nous fallait une filiation avec une structure plus importante, capable de soutenir ce développement. Nous avons donc accueilli d’un bon œil les premiers contacts qui datent de 2022. Nous sommes arrivés à un accord, notamment autour de la future structure de Chrono Chape, et nous avons officialisé ce partenariat début 2023.
Pour Lafarge, cette solution permet aussi d’être accompagné sur un marché encore inconnu…
V. L. : Chrono Chape est une entreprise qui fonctionne bien. Qui est reconnue pour son agilité, sa qualité de mise en œuvre et ses productions. Notre rôle est de les aider à accroître leur développement et leurs capacités. Mais ils vont aussi nous aider à mieux appréhender le marché sous le prisme des centrales mobiles avec une flotte et une organisation déjà en place.
Nous voulons augmenter notre propre agilité, nos performances de services et suivre nos clients sur l’ensemble du territoire. La centrale mobile a la capacité d’accroître nos performances sur les pôles très urbains, sur les très gros chantiers et au contraire, sur les plus petits. En revanche, sur les chantiers intermédiaires, soit le plus gros volume des chantiers de chape, nos centrales fixes répondent tout à fait aux besoins des clients, avec une distribution par camions-toupies. Sur ces autres chantiers, la centrale mobile me paraît efficace et plus proche du client. Sur l’ensemble du territoire, nous sommes donc très complémentaires avec nos installations déjà en place. En les mariant, nous pourrons soutenir la croissance du marché de la chape et y gagner des parts de marché.
L’approvisionnement en chape n’est pas toujours une chose aisée pour les chapistes. Les centrales mobiles sont-elles une solution à ce problème ?
V. L. : Il y a des régions où la capacité à servir les clients est très bonne, dans d’autres, il y a des temps d’attente un peu longs. C’est un axe d’amélioration pour nous. Nous travaillons sur notre outil industriel et des sites plus spécialisés devraient voir le jour. Les commandes digitalisées via la plate-forme Concrete Direct aideront à gagner en simplicité. Et le tracking des toupies optimise les informations de livraisons. Mais la souplesse sera aussi de basculer des volumes vers les centrales mobiles en cas d’engorgement et inversement. A terme, l’applicateur pourra être livré d’une centrale fixe ou d’une centrale mobile en fonction de ses besoins et de la technicité de son chantier. Nous aurons toutes les possibilités en parfaite complémentarité.
Pour en revenir au rachat, est-ce que Lafarge va absorber Chrono Chape ? Pour l’image, est-ce que le nom de Chono Chape va disparaître ?
V. L. : Chrono Chape est connu et reconnu. Nous n’avons pas pour projet de changer le système de fonctionnement de l’entreprise. Son développement est basé sur un business model éprouvé, dont nous souhaitons bénéficier.
A-L. D. : Cette idée de conserver chacun son identité fait partie des raisons qui nous ont décidés à vendre. Nous allons pouvoir jouer sur les synergies entre les deux entités, travailler ensemble. Comme je l’ai dit, nous avions conscience que notre développement passait par “un plus gros” que nous, mais nous souhaitions continuer à développer notre entreprise. Nous avons aujourd’hui cette opportunité, tout en profitant des supports de Lafarge sur des secteurs où nous en avons besoin.
Comment vont évoluer les sites de Chrono Chape ? Vont-ils être intégrés à des centrales Lafarge ?
V. L. : Il y a deux volets. Pour les sites existants, il n’y a pas de raison de changer ce qui fonctionne. Je parle là des régions où Chrono Chape est présent comme la Bourgogne, la Normandie ou le Nord. Par contre, nous avons la volonté de développer l’entreprise géographiquement et en volume. Il va donc falloir trouver des sites pour les nouvelles implantations locales. Dans ce cadre-là, nous pourrons, le cas échéant, nous appuyer sur le foncier, dont Lafarge bénéficie.
Est-ce que Lafarge va devenir le fournisseur exclusif de Chrono Chape ?
V. L. : Chrono Chape s’est parfaitement développé sans nous, avec des produits reconnus et des liens forts avec ses partenaires. C’est d’ailleurs l’une des raisons de son succès. Nous ne souhaitons pas enrayer cette belle mécanique. Donc non, pas d’exclusivité. En revanche, l’idée que les deux systèmes bénéficient de meilleures technologies du marché rentre dans la dimension “justesse technologique” de notre plan de croissance. Notre centre de recherche travaille aussi sur des technologies de rupture, dont pourraient, à terme aussi, bénéficier à Chrono Chape.
Est-ce que les clients de Chrono Chape ont vocation à rejoindre le réseau Pro Agilia ?
V. L. : A court terme non, puisque les membres du réseau Pro Agilia sont agréés pour les procédés en centrale à béton et c’est le fondement du système. En ce qui concerne le Club, nous souhaitons le faire évoluer pour mieux fidéliser nos chapistes. A ce moment-là, la réflexion se fera peut-être de réunir les chapistes des deux entités.
Pour Lafarge, c’est une (r)évolution du business model, avec une solution différente des centrales fixes. Fallait-il passer par là pour conquérir des parts de marchés en plein développement ?
V. L. : Lafarge travaille sur plusieurs piliers, tels que son efficience carbone, la réduction des déchets, l’accompagnement du marché de la rénovation et cela en plus d’une forte ambition de croissance.
Ce sont les piliers du groupe Holcim en général et qui correspondent tout à fait au marché de la chape, qui offre de belles opportunités de croissance. C’est pourquoi nous avons réfléchi à ce plan de développement sur huit ans.
Il y a de grosses parts de croissance à prendre sur le marché de la chape, les technologies peuvent encore progresser et nous devons en parallèle développer une culture de l’agilité et de l’ajustabilité sur nos services. Nous devons aussi être capables de grossir rapidement géographiquement pour être présents sur toutes les zones à forte croissance. Intégrer des centrales mobiles répond à pas mal de ces objectifs. Dans le même temps, nous avons lancé beaucoup de sujets R&D pour la gamme Agilia Chapes et 2023 devrait voir arriver la concrétisation de plusieurs projets pour les chapes en centrales fixes.
Est-ce que vous allez investir dans une nouvelle flotte de centrales mobiles ?
A-L. D. : Nous avons un rythme d’investissements de huit à dix centrales par an. Nous allons, je pense, garder ce rythme qui correspond à notre développement. Parce qu’en plus des camions, il faut recruter et former du personnel. Il ne serait pas pertinent non plus, de vouloir aller trop vite.
Est-ce qu’une gamme spécifique aux centrales mobiles va faire son apparition ?
V. L. : Potentiellement pour des applications nouvelles ou des produits très adaptés à la rénovation. Notre centre de R&D de Saint-Quentin-Fallavier travaille sur plusieurs sujets, et désormais, nous pouvons bénéficier du savoir complémentaire de PRB en matière de mortier.
Est-ce que l’intégration d’Airium aux centrales mobiles peut être une de ces technologies de rupture ?
V. L. : Nous souhaitons accentuer le développement de la technologie Airium sur le territoire. C’est une priorité pour cette année. Pour le moment, nous alimentons des pompes avec un coulis fabriqué en centrale à béton. Le système a été lancé ainsi, présente sa pertinence et nous avons des coulages quotidiens.
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Les solutions de mousse minérale permettent de réaliser des ravoirages en situation de rénovation, tout en apportant une correction thermique. C’est une solution qui est tout à fait pertinente dans la gamme de Chrono Chape et permettrait d’accroître la vitesse d’appropriation de la technologie par le marché. Surtout si, à terme, nous développons une large gamme de solutions allégées.
A-L. D. : Nous avions déjà commencé à réfléchir à la question. Une de nos machines est déjà équipée. L’idée est de solidifier le concept, afin de l’installer sur un certain nombre de camions de notre flotte. Cela les rendrait encore plus polyvalents et élargirait notre gamme de solutions. Nous pourrions facilement nous adapter aux besoins de nos clients.