Vous possédez de nombreuses marques, est-ce que vous pouvez nous rappeler les différentes structures qui composent Mirbat Groupe Holding (MGH) ?
Benoît Cormier : Effectivement, les domaines d’intervention de Mirbat Groupe Holding sont multiples. D’une part, nous avons TPF Industrie qui est basé, à Noves (13). Grâce à cette usine, nous formulons et développons des systèmes polyuréthane pour les secteurs de l’industrie et du bâtiment. Nous sommes les seuls formulateurs français de polyols, qui sont à la base de la chimie de la mousse PU projetée. Nous avions aussi trois réseaux de distribution de nos produits, que sont Syneris, Oseo et Europiso, mais ces marques sont amenées à disparaître.
Spray System est notre entité de vente de machines pour la projection et d’équipements associés. Nous sommes aussi un centre de formation, certifié Qualiopi, avec plus de 350 diplômes décernés. Et nous avons récemment développé une application d’aide à la gestion des chantiers : l’Iso’App. Elle permet aux applicateurs de gérer tous les chantiers, en facilitant les contrôles comme la prise d’épaisseurs, le contrôle de la masse volumique, de la rédaction des PV de chantiers et de la prise de photos.
Est-ce que cette abondance de marques est facile gérer ? Ou facile à identifier pour vos clients ?
Nous basculons peu à peu toutes nos marques sous la bannière TPF. En effet, il y avait un besoin de rationaliser l’ensemble de ces dénominations, afin que nos services soient plus compréhensibles pour les clients. Au fur et à mesure des renouvellements d’agréments, nous basculons les produits sous le nom TPF Industrie. Nous disposons aussi d’un partenariat avec Anhydritec et Velta Groupe, pour le système Triotherm 360. Pour lequel il n’y a pas de changement.
Pouvez-vous en dire un peu plus sur ce système réunissant trois industriels ?
Jean-Michel Tognetti : Nous avions des affinités avec Anhydritec et Velta. Et nos produits sont complémentaires. Nous avons donc décidé de proposer à nos clients un système commun, avec un seul interlocuteur qui gère les interventions de mousse polyuréthane projetée, de chape et de pose du plancher chauffant.
Chaque industriel a mis son réseau en route, le but étant d’avoir, en moyenne, un représentant du système par département, et par spécialité. Ensuite, chaque chantier sera supervisé par une seule entreprise. Ce qui permettra, par exemple pour un architecte, de n’avoir qu’un seul interlocuteur et la garantie que le chantier va être optimisé en fonction des temps de séchage. En une semaine, toutes les opérations peuvent être menées. Nous appliquons notre solution issue de TPF, Anhydritec livre, à travers les centrales fixes ou mobiles, la Thermio Max et Velta fournit un plancher chauffant-rafraîchissant.
Ce n’est pas un lancement ?
Non, Triotherm 360 existe depuis quelques années déjà. Mais nous avons décidé de mettre le paquet sur la marque pour la développer. Notamment au niveau de son réseau d’applicateurs. Nous sommes d’ailleurs à la recherche d’entrepreneurs qui voudraient porter le flambeau au niveau local. Ce sont en général des chapistes, sans qu’ils soient forcément aussi projeteurs.
Est-ce qu’un pareil attelage est envisageable avec une chape ciment ?
Aujourd’hui, seul Anhydritec est venu vers nous pour nous proposer cette opportunité. Si un industriel qui développe des chapes fluides ciment vient nous faire des propositions, nous discuterons avec lui. Mais à l’heure actuelle, nous nous concentrons sur le développement commercial d’une solution qui n’a plus à prouver son efficacité technique. C’est la solution la plus performante du marché, notamment pour le marché de la rénovation. Nous pouvons rattraper des sols ayant des différences de 2 à 18 cm, et y associer un plancher chauffant et une chape mince à la réactivité optimale.
Est-ce que la rénovation est un marché à fort potentiel pour vous ?
B. C. : Nous travaillons tous les aspects du marché, mais en effet, la rénovation est une grosse piste de commerce pour nous. Nous y croyons beaucoup et les dernières évolutions réglementaires poussent en ce sens. Nous avons d’ailleurs développé un concept de machine, l’Oseo Kit Pro qui est un petit équipement pour la projection sur les murs, les plafonds et les rampants, mais aussi les sols.
Cette machine est très compacte, ce qui lui permet de prendre l’ascenseur. Et son prix est divisé par quatre par rapport à une machine classique. L’idée est d’offrir à des entreprises un complément de chiffres d’affaires, en se lançant dans les petits chantiers de projection. Par exemple, pour un chapiste, qui souhaite élargir son domaine d’application, en complément de son coulage de chape. C’est un premier pas dans le métier. C’est aussi un moyen pour nous d’aider au développement de la mousse PU.
Est-ce que le développement passe aussi par la réduction de l’empreinte carbone ? Malgré la provenance pétrochimique, de la mousse PU ?
Malgré le fait que la mousse PU soit issue du pétrole, elle est déjà parmi les produits à l’empreinte carbone la plus réduite. Elle est fabriquée sur place et s’expanse entre 25 et 100 fois (en fonction du type de mousses). Il y a donc une énorme économie de carbone en matière de transport ou de packaging. Et ensuite, une excellente économie de matière, puisque nous n’avons pas de chutes issues d’une découpe.
D’autant plus que nous disposons d’une usine de production en France, et je le rappelle, nous sommes les seuls dans ce cas. Ce qui nous permet de reprendre le conditionnement de nos produits chimiques et d’en réutiliser une partie. Les poches plastique de contenants sont, elles, déchiquetées et recyclées. En 2024, nous allons d’ailleurs sortir une nouvelle gamme de mousses, Equilibre, qui fera passer le taux d’utilisation de matière recyclée dans la composition de 0 à 22 %. Nous avons déposé un brevet pour cette énorme avancée technologique.
Tout n’est pas rose en revanche pour vous, puisque vous avez été accusé de fraudes et d’être la source d’une multitude de sinistres. Est-ce que vous pouvez nous donner votre point de vue sur l’affaire ?
J-M. T. : En 2021, nous étions les leaders du marché avec 6 Mt vendues, 51 applicateurs et 130 machines en fonctionnement. Avec la crise sanitaire, s’est développée une crise de la disponibilité des matières premières et notamment, en ce qui nous concerne, une crise des isocyanates. Nous avons éprouvé d’énormes difficultés à fournir nos clients et des délais de trois jours sont passés à des délais de trois semaines. Nos clients se sont débrouillés pour trouver de la matière première, en se dépannant ailleurs, avec des produits parfois exotiques. Mais en continuant d’utiliser nos Avis techniques et en faisant apparaître nos sociétés Synerys et Oséo sur les factures.
Or, il est impossible de jouer à l’apprenti chimiste et sept de nos applicateurs ont déclaré 59 sinistres. Sur ces 59 sinistres, la moitié n’a pas de traçabilité et il est impossible d’en établir la cause. Environ 25 % des chantiers sinistrés n’ont pas été réalisés avec nos produits. Sur ce qui reste, ce ne sont en général que de simples tuilages ou des affaissements de quelques millimètres, l’isolant étant hors de cause.
Juridiquement, vous en êtes où aujourd’hui ?
Nous sortons de 24 mois compliqués et nous pouvons dire qu’aujourd’hui que le groupe MGH s’en sort haut la main. Le 3 avril 2024, nous sortirons officiellement de notre redressement judiciaire. Nous repassons aussi nos Avis techniques auprès du CSTB, afin de regagner la confiance perdue après de nos pairs.
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B. C. : Je tiens à préciser que l’AQC a réalisé une audition poussée de toutes les expertises sur le terrain. Il n’y a aucun élément qui incrimine la qualité de notre production. Ce qu’il est possible de prouver grâce au recours à des technologies de pointe comme le GS/MS : la chromographie en phase gazeuse couplée à une spectrométrie de masse (grosso modo, c’est l’ADN de chaque produit). En attendant, comme le gros de nos volumes provenait de notre activité sol et que l’on s’est vu retiré notre Avis technique, la période a été compliquée. Mais cela nous a permis de refaire tout le travail de certification et de prouver que notre process n’était pas à incriminer.
Vous allez repasser la certification QB23 ?
Il n’y a pas que la certification QB23. Nous allons rester au sein du CSTB d’où émane notre Avis technique. Mais notre situation a mis en lumière une faiblesse de la QB23. Nous avons des process ultra cadrés en usines, avec un suivi très précis. Puis, les produits partent chez le projeteur qui fait le mélange final. La QB23 se repenche actuellement sur cette question. Mais nous avons décidé de ne pas attendre la nouvelle version du référentiel, en optant pour un suivi renforcé par le CSTB, avec une fréquence de contrôles encore plus drastique. Nous travaillons aussi à une plus grande automatisation des machines pour plus de sécurité. Et nous nous dirigeons aussi vers la certification européenne KeyMark.
C’est une période compliquée qui est derrière vous ?
J-M. T. : Nous sommes la seule usine de formulation française, et ce, depuis 2020. Nous avons commencé à vendre nos produits en Belgique, en Italie, et en Afrique du Nord. Je considère qu’il est plus bénéfique d’aider les entreprises à évoluer plutôt que de leur faire du tort. Mais lorsque l’on a touché le fond, on ne peut que rebondir. Cette période a été difficile pour chaque salarié du groupe, mais nous nous tournons résolument vers l’avenir avec un plan de développement ambitieux.
Est-ce que vous allez revenir avec les mêmes ambitions, le même réseau d’applicateurs ?
B. C. : Il y a forcément un tri qui s’est fait. Déjà, avec les sept applicateurs en cause, la confiance est naturellement rompue de chaque côté. Nous préférons nous tourner désormais vers des entreprises indépendantes de taille plus modeste. Et nous avons complètement optimisé nos services pour aider les applicateurs dans leurs pratiques du quotidien.
N’y a-t-il pas un ou plusieurs moyens de les aider à ne pas se tromper au moment du mélange des produits ?
J-M. T. : Nous l’avons dit, cela passe sans doute par une plus grande automatisation des machines, et par plus de pédagogie et de formation. Nous avons ajouté à notre gamme l’IS30 de Carlisle, une marque de machines américaine. Cette dernière est capable de gérer la viscosité des composants toute seule, elle réalise le dosage optimal en fonction des conditions de chantier. Elle se met aussi en sécurité si le produit utilisé n’est pas le bon. Cela sécurise une peu plus l’utilisation de nos produits.
Est-ce que votre ambition est de redevenir le leader du marché des mousses PU ?
Non ! C’est beaucoup trop de problèmes. Ce qui est certain c’est que nous allons choisir nos clients. En nous tournant vers des entrepreneurs plus modestes. Quand une société à 15 ou 20 machines, c’est extrêmement compliqué de conserver une compétence égale pour tous les opérateurs. Nous allons faire le pari de la qualité auprès de petits applicateurs qui savent de quoi ils parlent. Et puis, notre usine de formulation est capable de sortir une centaine de recettes différentes pour le bâtiment, la pharmacologie et l’industrie en général. C’est un changement pour nous et cela nous ouvre de nouvelles perspectives. Nous n’avons plus besoin et plus envie de courir après des volumes sur les sols.
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